L’Ours Blanc no 28 – Cathay
Ezra Pound
Publié une première fois en 1915, Cathay est un objet littéraire singulier. Il s’annonce comme une traduction du chinois d’après plusieurs sources, dont les notes du sinologue Ernest Fenollosa dont Pound avait été très proche. Pound accède donc aux textes par le biais de traductions partielles, ce qui lui permet d’acquérir une grande liberté relativement aux poèmes originaux, si bien que ses traductions deviennent plutôt des re-créations poétiques.
On retrouve en effet dans la version qu’il donne de ces antiques poèmes chinois les préoccupations qui sont celles de l’avant-garde littéraire anglo-saxonne dont Pound était un des porte-parole les plus écoutés. Cathay devient de ce fait un manifeste de «l’imagisme», ce mouvement qui prônait une expression poétique débarrassée du pathos romantique, proche de la sensation et attentive à la retranscrire le plus précisément possible. Ainsi que le souligne la postface d’Abigail Lang, Cathay a une influence déterminante sur l’évolution du langage poétique dans les premières décennies du XXe siècle. Ce serait une raison suffisante pour en publier la traduction. Mais il y a plus, la langue de Cathay, son économie et sa précision, la rigueur de ses images en font un recueil dont l’actualité ne se dément pas. Elle est, cette langue, magnifiquement servie par la traduction de Pierre Alferi qui y a travaillé dans l’esprit de Pound, c’est-à-dire autant en traducteur qu’en poète.
« Dans Cathay (1915), de l’aveu général, Ezra Pound invente une langue pour la poésie moderne — à partir de très anciens poèmes chinois. » Abigail Lang